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« Comme toute structure, le PS peut mourir »

Publié le 27/05/2014 sur Marianne.net

Depuis dimanche soir, 20 heures, les socialistes sont incapables de tirer les leçons de la raclée électorale qu’ils ont subie et de la première place qu’ils ont « offerte » au Front national. Les caciques du PS, invités sur les plateaux télé, n’ont rien trouvé de mieux que de convoquer toutes les catastrophes naturelles pour expliquer ce résultat. Manuel Valls lui-même y est allé de son « séisme » lors de son allocution. Un peu plus et ils dégainaient L’Apocalypse de Jean et nous expliquaient que la France était frappée d’un châtiment divin ! Quant à François Hollande, il s’est révélé, une fois de plus, au cours de son intervention télévisée hier soir, un formidable « diagnosticien » de l’état du pays, mais s’est pourtant refusé à changer le traitement qui lui inflige depuis deux ans : sa « ligne de conduite », nous a-t-il expliqué, « ne peut dévier en fonction des circonstances »
Finalement, l’analyse la moins déconnectée du réelle vient sans doute — comme souvent — de la base du parti et de quelques cadres intermédiaires. A l’image de Mickaël Vallet, maire de Marennes et Premier fédéral PS de Charente-Maritime qui signe, sur son site, un texte très critique, mais d’une grande justesse, sur le comportement de ses petits camarades. « Nous avons eu tort, écrit-il par exemple, en nous abritant derrière des poncifs que nos aînés ont voulu rassurants depuis des années, voire des décennies mais qui sont inopérants. Invoquer des libéraux comme les « pères de l’Europe » (les inénarrables Monnet et Schuman) ; tenter de faire vibrer les peuples en leur proposant une monnaie comme identité commune ; culpabiliser les électeurs en réduisant ceux qui s’interrogent sur la question des frontières à des réactionnaires qui ne comprendraient rien aux bienfaits des Erasmus, de la PAC et des fonds structurels ; répéter encore et toujours le sempiternel « On nous dit moins d’Europe mais au contraire nous disons plus d’Europe ». C’est tout cela qui nous a rendu inaudibles ».

Marianne : Il faut savoir accepter les défaites pour mieux y répondre ?
Mickaël Vallet : Oui, c’est un peu comme le disait l’intitulé du CERES (l’ancien courant du PS animé notamment par Jean-Pierre Chevènement, ndlr) : comprendre, vouloir, agir. Il faut arrêter de se voiler la face sinon les mêmes causes continueront de produire les mêmes effets.
 
Tout le contraire de l’attitude de François Hollande…
Je me garderai bien de critiquer le président de la République, mais ce verbalisme, ce déclaratif nous enferre : ce type de discours ne percute plus chez les électeurs, et heureusement ! Mais cette attitude n’appartient pas qu’à un seul camp politique. C’est le coup classique : minimiser la défaite par des éléments de langage. Les éléments de langage, on en crève !
 
Vous avez l’impression que certains hommes politiques ont pris les gens pour des imbéciles pendant la campagne ? 
Pas pendant la campagne car au niveau local, nous, nous avons fait beaucoup de pédagogie sans pour autant tomber dans la guimauve. En revanche, sur les plateaux télé, il faut arrêter de se défendre en disant que « notre électorat ne s’est pas mobilisé », que « nous avons de la réserve », notamment chez les profs qui ne sont pas venus voter. S’ils ne se sont pas déplacés, peut-on vraiment s’approprier cet électorat ?
 
Sur votre site vous reprochez notamment au PS de se complaire dans des débats de société non prioritaires pour les Français comme « le droit de vote des étrangers, la gestation pour autrui ou le non-cumul des mandats »
Ils ne sont pas inutiles mais les Français ont des priorités très concrètes. Il faut savoir se concentrer sur certaines choses plus importantes. Quand la gauche décide d’abolir la peine de mort en 1981, elle le fait en même temps qu’elle met en place des mesures pour améliorer le quotidien des Français. Le problème n’est pas de mettre en place ces grandes réformes sociétales mais de se laisser enferrer par elles. Il faut savoir passer à autre chose…
 
Mais le PS, aujourd’hui, sait-il vraiment faire « autre chose » ? 
On a tout ce qu’il faut pour bien faire, notamment du côté de nos militants.
 
Vous vous montrez critique mais, après tout, vous qui avez voté « non » au référendum de 2005, vous avez choisi d’être dans un parti pro-européen. A moins que ce soit un choix de carrière ? 
Non, c’est un choix idéologique. Issu du chevènementisme, j’y suis venu pour y défendre ma vision de la gauche comme Gérard Filoche est venu du trotskisme ou d’autres du syndicalisme étudiant. De par son histoire et ses militants, le PS doit être capable de se relever. Mais il faut prendre conscience que pour être internationaliste, il faut d’abord savoir quel est le cadre d’expression de base de la démocratie, c’est à dire la nation. La question de l’Europe est fondamentale. Mais, comme le résume bien Hubert Védrine, on peut être eurosceptique tout en étant europhile. Au-delà de cette question, ce qui compte vraiment ce sont les mesures mises en place. Il faut dépasser ces fractures entre les eurosceptiques et les autres. J’invite le PS à ne plus répéter mécaniquement que « l’Europe a permis la paix », etc. Il faut sortir de ce réflexe pavlovien.
 
Vous craignez, dites-vous, une « pasokisation » du PS. Qu’entendez-vous par là ?
Les responsables des partis politiques doivent arrêter de croire en cette idée d’un système bien confortable qui voudrait qu’un coup on gagne, un coup on perd… Il n’y a rien de pire que le confort. Les grands partis politiques courent toujours le risque de mourir. Regardez en Italie ou en Grèce, il n’y a plus de parti socialiste… Et nous, en France, on n’est pas à l’abri de subir le même sort. Comme toute structure, le PS peut mourir. Pour l’éviter, il faut agir au lieu de réagir.

Interview à retrouver ici : https://www.marianne.net/politique/comme-toute-structure-le-ps-peut-mourir